Recommandations sur l'évaluation des commotions cérébrales

Les commotions cérébrales, ou traumatismes crâniens (TC) légers, peuvent être consécutifs d'un choc direct ou indirect, touchant le cerveau mais sans période prolongée de perte de conscience, d’amnésie ou d’autres signes neurologiques graves. Parmi les évènements commotionnels fréquents, on retrouve les accidents de la voie publique, les chutes, les rixes ainsi que les chocs dans un cadre sportif (arts martiaux, sports collectifs). C’est la prévalence importante des commotions dans ce contexte sportif (1,6 à 3,8 millions de commotions par an aux US, jusqu’à 12 fois plus fréquent que dans les autres contextes1) qui font de ces lésions une problématique de médecine du sport à part entière.

Parmi la diversité des symptômes possibles, les atteintes cervicales, vestibulaires, oculomotrices ainsi que les troubles de la fonction motrice en général font du kinésithérapeute / physiothérapeute un des acteurs de la prise en charge de ces patients.

Cet article aborde le versant diagnostic & évaluation issu d’une guideline :

Titre

Caractéristiques

Quatman-Yates, Catherine C., et al. "Physical Therapy Evaluation and Treatment After Concussion/Mild Traumatic Brain Injury: Clinical Practice Guidelines Linked to the International Classification of Functioning, Disability and Health From the Academy of Orthopaedic Physical Therapy of the American Physical Therapy Association." Journal of Orthopaedic & Sports Physical Therapy 50.4 (2020): CPG1-CPG73.

2020 - Basé sur 122 études

 

Triage & diagnostic : Niveau de preuve des recommandations

Si le diagnostic de ces lésions est réservé au corps médical, le kinésithérapeute/physiothérapeute, en particulier du fait de sa présence lors d’évènements sportifs à risques, peut être amené à être le premier à intervenir en cas d’accident potentiellement à risque de commotion.

[Grade A]  : Les kinésithérapeutes / physiothérapeutes doivent relever la présence ou l’absence de signes et symptômes des personnes ayant subi un évènement à risque de commotion

[Grade A]  : S’il est en « première ligne », il se réfère aux critères suivants pouvant l’amener à orienter le patient vers des soins d’urgence :

Critères d’urgence :

• Perte partielle ou totale de conscience, détérioration cognitive ou désorientation (score de Glasgow < 13)

• Apparition d'une asymétrie pupillaire, de convulsions, de vomissements répétés ou d’autres signes neurologiques.

• Apparition ou aggravation sévère ou rapide de maux de tête ou de déficits neurologiques

• Signes / symptômes indiquant une potentielle fracture du crâne

• Suspicion de fracture, dysfonctionnement ou pathologie grave de la colonne cervicale (insuffisance vertébrobasilaire, instabilité ligamentaire, signes de compression médullaire)

 

A noter que certaines fédérations sportives possèdent leurs propres critères auxquels il convient de se référer.

[Grade A]  : En dehors des situations d’urgence, le kinésithérapeute doit relever les signes et symptômes d’une commotion non diagnostiquée via les critères suivants, en tenant comptes des informations issues du patient/ de la famille / des témoins, ainsi que de l’examen et des antécédents médicaux :

Critères diagnostics d’une commotion cérébrale :

Coup direct à la tête, au visage ou au cou, ou tout impact transmis du corps à la tête, suivie de l'un des éléments suivants:
• Episode bref ou non de désorientation ou de perte de conscience
• Amnésie post-traumatique
• Toute altération de la cognition ou de l'état mental directement liée à l'événement commotionnel: confusion, désorientation, problèmes d'attention / concentration, oubli, diminution des fonctions exécutives
• Symptômes physiques: maux de tête, étourdissements, troubles de l'équilibre, nausées, vomissements, fatigue, troubles du sommeil, vision trouble, sensibilité à la lumière, difficultés auditives, acouphènes, sensibilité au bruit, convulsions, anomalies neurologiques transitoires, engourdissement, picotements, cervicalgie, intolérance à l'effort
• Symptômes émotionnels / comportementaux: dépression, anxiété, agitation, irritabilité , impulsivité, agressivité
• Echelle de Glasgow (meilleur score disponible dans les 24 premières heures) < 15
• Signes / symptômes non expliqués par une éventuelle prise de drogue/alcool/médicaments
• Présence de symptômes qui ne peuvent pas être expliqués par les antécédents médicaux (ou qui sont plus prononcés par rapport à d’habitude)

[Grade F]  : Chez un patient dont le tableau clinique est cohérent avec un diagnostic de commotion cérébrale, le kinésithérapeute / physiothérapeute devrait déterminer au préalable si une évaluation et une prise en charge rééducative est appropriée et cohérente avec l’état du patient : sévérité, antécédents (de commotions ou autres affections médicales et mentales) expliquant des symptômes semblables ou représentant un frein ou une contre-indication à la rééducation, objectifs du patient…

 

Examen / Evaluation :

 

[Grade B]  : Chez des patients dont l’état est compatible avec une prise en charge, le kinésithérapeute / physiothérapeute détermine les besoins rééducatifs via une évaluation des déficiences musculosquelettiques (cervicales), vestibulaires/oculo-motrices, au système nerveux autonome ou à la fonction motrice.

 

Rachis cervical :

[Grade C]  : Les signes suivants devraient amener le thérapeute à évaluer la sphère cervicale : Douleurs à la nuque, maux de tête, étourdissements, fatigue, déséquilibres, ou difficultés à concentrer son regard.
Les tests et mesures recommandées sont : amplitudes articulaires, force et endurance musculaire, contractures cervicales et scapulo-thoraciques, mobilité du rachis cervical et thoracique et évaluation proprioceptive (ex : positionnement articulaire yeux fermés).

 

Troubles vestibulaires et oculomoteurs :

[Grade B]  : Les signes suivants devraient amener le thérapeute à évaluer cette composante : Maux de tête, étourdissements, vertiges, nausées, fatigue, déséquilibres, vision floue ou mouvements oculaires sensibles, difficultés à concentrer son regard sur des cibles statiques ou mobiles.
Les examens recommandés concernent la sphère oculaire (stabilité, poursuites, saccades…) et l’évaluation des sensations vertigineuses potentiellement causées par des troubles orthostatiques ou par un vertige positionnel paroxystique bénin (VPPB)
[Grade A]  : En cas de suspicion de VPPB, des tests positionnels devraient être proposés (Test de Dix-Hallpike ou autres).

Test de Dix-Hallpike

Système nerveux autonome :

[Grade B] : L’hypotension orthostatique ou d’autres troubles de régulation cardio-vasculaires devraient être évalués via la mesure de la pression artérielle dans différentes positions.
Si les signes/symptômes surviennent à l’effort, une évaluation graduelle et monitorée doit être conduite pour évaluer leur tolérance ou la possibilité de reprise des activités du patient en toute sécurité (évaluation lors de faibles efforts, puis sur tapis de marche/vélo, puis vers des efforts correspondants à l’activité du patient)
Si les signes/symptômes surviennent facilement et spontanément au repos, il conviendra de mettre l’accent sur l’évaluation des autres déficiences du patient en attendant une stabilité ou une meilleure tolérance de ces troubles.
[Grade C]  : Si une atteinte vestibulaire ou oculomotrice est associée, il conviendra de l’isoler pour ne pas « fausser » les tests (via la mesure de la pression artérielle à l’effort sur vélo d’appartement par exemple).

 

Fonction motrice :

[Grade B]  : Les troubles de l’équilibre (statiques ou dynamiques), la coordination motrice et la capacité à exécuter différentes tâches en même temps devraient être évalués à l’aide de tout outils disponibles et adaptés au cas du patient.

 

Autres éléments :

[Grade B]  : Les maux de tête devraient être évalués par le kinésithérapeute en suivant la Classification Internationale des Céphalées

[Grade E]  : Une attention particulière aux facteurs psychosociaux doit être portée (auto-efficacité, cadre social et environnemental permettant une bonne prise en charge, optimisme quant à l’issu de la prise en charge, problèmes cognitifs/mentaux déjà présents avant traumatisme…)

 

Conclusions et commentaires de Piriforme :

La particularité de ces recommandations repose sur les nombreux différents « niveaux » d’évaluation :

Phases d'évaluation par le kinésithérapeute du patient atteint de commotion cérébrale

Une évaluation initiale bien orientée, tracée, validée et reproductible sera la clé d’une rééducation bien menée. Reproduire ces évaluations à différents stades de la prise en charge permettra à la fois au thérapeute de constamment s’adapter aux priorités du moment, mais permettra également au patient de suivre sa progression et de se positionner comme acteur central de sa rééducation.

 

Références :

  1. Quatman-Yates, Catherine C., et al. "Physical Therapy Evaluation and Treatment After Concussion/Mild Traumatic Brain Injury: Clinical Practice Guidelines Linked to the International Classification of Functioning, Disability and Health From the Academy of Orthopaedic Physical Therapy of the American Physical Therapy Association." Journal of Orthopaedic & Sports Physical Therapy 50.4 (2020): CPG1-CPG73.
    Accès libre : https://www.jospt.org/doi/pdf/10.2519/jospt.2020.0301